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Sarah White puise dans son courage pour conduire le changement et être elle-même authentique.

La co-fondatrice de Fairware, une entreprise de promotion durable de BCorp, partage son histoire.

Sarah White

On dit souvent qu’il faut du courage pour être entrepreneur, mais je pense que c’est plus compliqué que cela. Après avoir travaillé pendant près de 27 ans auprès d’entrepreneurs à BDC, j’ai appris que chaque personne avait sa propre définition du mot courage. 

Parfois, il s’agit du courage d’un innovateur qui lance une idée inédite n’ayant jamais été éprouvée jusqu’ici dans le monde. D’autres fois, il s’agit de la capacité à faire face à n’importe quel obstacle et à le transformer en une occasion de croissance. Il arrive aussi qu’un entrepreneur doive faire preuve de courage pour être simplement lui-même et bâtir son entreprise comme il l’entend (un problème pour de nombreux propriétaires d’entreprises sous-représentés – problème que mon équipe et moi aidons à résoudre). 

Il est rare que ces trois définitions s’appliquent, mais c’est le cas pour Sarah White et Denise Taschereau, cofondatrices de Fairware. Au cours des 16 dernières années, elles ont fait de leur entreprise de Vancouver, qui a démarré dans le garage de Sarah, le premier fournisseur nord-américain de produits promotionnels durables et éthiques.

Non seulement Sarah et Denise ont maintenu leur engagement ferme pris dès le début quant à l’impact sur l’environnement et la communauté (elles possèdent la certification B Corporation [BCorp] depuis des années), mais elles se sont également inspirées de leurs propres difficultés en tant que petite entreprise appartenant à des membres de la communauté queer, qui plus est à des femmes, pour orienter leurs politiques d’entreprise. Elles ont délibérément mis en place une équipe diversifiée et surtout, une culture qui encourage à être soi-même au travail. 

J’ai rencontré Sarah pour qu’elle nous parle de son parcours personnel et entrepreneurial, notamment de son engagement permanent en faveur de l’approvisionnement éthique et des pratiques commerciales durables, de l’importance qu’elle accorde aux objectifs ainsi qu’à la diversité et à l’inclusion, et de sa capacité à survivre et à prospérer en période d’incertitude. Sarah est une force à ne pas négliger. Elle s’est engagée, avant tout, à se servir du monde des affaires pour faire le bien. 

Laura : Lorsque vous et Denise avez lancé Fairware en 2005, l’accent mis sur la durabilité et la volonté d’améliorer le monde par le biais des affaires était une idée relativement nouvelle. Comment vous est-elle venue?

Sarah : Fairware a vu le jour parce que mon amie Denise, qui est désormais ma partenaire commerciale et qui travaillait à l’époque comme Directrice, développement durable et relations communautaires à MEC dans le domaine de la durabilité et de l’approvisionnement éthique, avait constaté que de nombreuses marques de qualité offraient des cadeaux publicitaires fabriqués dans des conditions suspectes. À cette époque, le sujet de la responsabilité sociale des entreprises commençait à être abordé dans la presse et un peu partout dans le monde, et il y avait un décalage avec ces grandes marques qui distribuaient des produits inconvenants. C’est de cette constatation qu’est née l’idée de Fairware. 

« Notre objectif a toujours été d’aligner nos valeurs d’entreprise sur nos valeurs personnelles. »

Laura : Comment l’idée a-t-elle été reçue à l’époque? Comment vous êtes-vous aperçues que les choses évoluaient? Je suppose que les entreprises sont aujourd’hui plus ouvertes à parler des pratiques durables. 

Sarah : Si le développement durable est aujourd’hui bien plus ancré dans les esprits, ce n’était certainement pas le cas à l’époque. Dès le départ, lorsque nous prenions le téléphone pour appeler un fournisseur potentiel, nous lui disions « nous aimerions discuter de l’origine de vos produits », et souvent, on nous raccrochait au nez. 

Au fil des ans, cette conversation a considérablement évolué. Nous avons commencé avec la conformité et la sécurité des produits, puis nous nous sommes intéressées aux droits des travailleurs et à l’impact environnemental. Depuis quelques années, nous discutons avec d’autres distributeurs de l’antiracisme et de la justice sociale. Nous discutons avec les fournisseurs d’emballages durables d’une représentation diversifiée dans les catalogues. Ce que nous vivons aujourd’hui est en net contraste avec la situation qui prévalait au début de notre parcours entrepreneurial. 

Aujourd’hui, nous allons également au-delà de notre chaîne d’approvisionnement traditionnelle pour travailler avec des entreprises qui ont un impact – des entreprises à vocation sociale, souvent locales, appartenant à des entités issues de la diversité – qui n’auraient pas autrement la capacité de répondre à de grosses commandes d’entreprise. Nous consultons ces entreprises pour les aider à fixer leurs prix et à renforcer leurs capacités afin qu’elles soient en mesure de créer des produits à notre intention. Ainsi, notre succès nous permet non seulement d’aider les autres à se développer, mais aussi de contribuer à construire un écosystème qui soutient nos convictions en matière de durabilité et d’équité.   

Franchement, si nous avons créé notre entreprise, ce n’est pas parce que nous aimons les babioles, mais parce que nous voulions faire bouger les choses. Notre objectif a toujours été d’aligner nos valeurs d’entreprise sur nos valeurs personnelles. 

Laura : Et je sais que cela s’applique non seulement à la façon dont vous faites affaire avec vos clients et vos fournisseurs, mais aussi à la manière dont vous avez façonné la culture d’entreprise de Fairware. Pouvez-vous nous dire en quoi vos valeurs personnelles et même vos expériences personnelles ont joué un rôle à cet égard?

Sarah : Je plaisante parfois en disant que j’ai créé une entreprise simplement pour pouvoir m’habiller comme je l’entendais et être en accord avec moi-même, mais franchement, je pense que c’est en grande partie la vérité. Donner le ton de l’acceptation et de l’inclusion confère un certain pouvoir, et en me montrant telle que je suis, j’espère encourager les autres à en faire de même. Pour vous donner une idée de la culture que nous avons créée, une année à Halloween, un de nos employés s’est habillé en tenue de travail, juste pour nous embêter. 

Mais être moi-même n’a pas toujours été facile. Étant de genre non conforme, j’ai souvent été mégenrée et confrontée à l’homophobie et à la misogynie, sous forme de micro-agressions. Alors que de nombreux membres de la communauté des entreprises progressistes se considèrent très au fait des questions d’antiracisme, de LGBTQ+, etc., nous nous sommes rendu compte cette année que la plupart d’entre nous ne l’étaient pas. Nous avons tous encore beaucoup à apprendre et à faire.  

Laura : Nous savons que de nombreux propriétaires d’entreprises LGBTQ+ cachent cet aspect de leur identité pour éviter les répercussions. À votre avis, qu’est-ce qui vous a donné le courage de faire preuve de tant d’ouverture et de transparence pour vous montrer comme vous êtes?

Sarah : Le parcours a été long. Je suis avec ma partenaire depuis 36 ans et j’ai deux enfants adultes. Avoir des enfants en tant que couple homosexuel était pour le moins avant-gardiste dans les années 1990. Je ne suis pas certaine d’avoir beaucoup changé depuis, mais j’hésite maintenant moins à être moi-même, je suis plus consciente des problèmes qu’éprouvent les personnes LGBTQ+ et j’en parle ouvertement. 

Toutefois, pour le bien de mes enfants, même à l’époque, je n’ai jamais cherché à dissimuler qui j’étais vraiment, même si c’était difficile pour eux d’avoir une maman qui ne ressemblait pas aux autres mamans. Si j’avais dû changer à l’époque, mes enfants en auraient conclu qu’il n’est pas acceptable d’être soi-même et que l’on doit se conformer pour ne gêner personne. De plus, certains d’entre nous n’ont pas d’autre choix que de s’accepter. Certaines personnes peuvent passer pour cisgenres, d’autres non. Je veux que les autres se reconnaissent en moi et sachent qu’eux aussi ont leur place dans le monde de l’entreprise. 

« Pour nous, la culture consiste à laisser les gens mettre leur propre diversité à contribution. »

Laura : Pouvez-vous indiquer aux propriétaires d’entreprise qui espèrent créer la même culture inclusive que la vôtre – y compris ceux qui n’ont pas vécu les mêmes expériences – quelques tactiques précises que vous avez utilisées pour harmoniser votre équipe avec vos valeurs?

Sarah : Pour nous, la culture consiste à laisser les gens mettre leur propre diversité à contribution. Bien que Denise et moi ayons toujours été des militantes – elle en politique, et moi dans le milieu communautaire – nous faisons de notre mieux pour ne pas engager des personnes comme nous. Nous encourageons tous ceux qui travaillent avec nous à intégrer leurs propres intérêts et passions à l’entreprise. Nous sommes également très transparentes sur notre site Web et dans nos offres d’emploi : si vous postulez pour travailler avec nous, vous rejoindrez un environnement de travail inclusif. Si cela ne vous convient pas, vous ne postulerez pas.

De plus, ce n’est pas parce que la durabilité est un sujet qui nous passionne, à Denise et à moi, qu’elle doit susciter le même degré d’intérêt chez nos employés. Lors d’un entretien d’embauche, nous posons la question suivante : « Sous quelle forme contribuez-vous au développement durable dans votre vie quotidienne? ». Si la réponse est : « Je recycle, mais je veux en savoir plus », cela nous suffit. Avant tout, nous recherchons des personnes ouvertes et intéressées. 

Lorsque nous accueillons de nouveaux employés, nous appliquons une pratique que j’ai apprise durant un atelier sur la réconciliation. Nous demandons au nouveau membre du personnel de donner son nom, son nom traditionnel s’il en a un, et son identité culturelle, ainsi que toute information à son sujet dont il souhaite faire part à l’équipe. Dans une entreprise comptant moins de 20 employés, on parle au moins 11 langues différentes. La diversité est incontestablement ancrée dans notre culture. 

Laura : Vous êtes également une société certifiée B Corporation, ce qui signifie que vous vous êtes engagées à créer un impact positif pour vos employés, ainsi que pour les communautés et l’environnement. Ce n’est pas chose facile, mais vous l’avez fait en 2010, en tant que l’un des membres fondateurs de la Canadian B Corp. Comment s’est déroulée cette expérience et pourquoi était-elle si importante pour vous?

Sarah : Au début, nous étions une petite entreprise dont l’équipe était restreinte. Nous nous sommes demandé si, étant donné que nous observions déjà ces pratiques de toute façon, nous disposions de la capacité ou du temps nécessaire pour nous soumettre au processus rigoureux d’obtention de cette certification. Mais à mesure que nous rencontrions des personnes du milieu des affaires de Vancouver qui avaient les mêmes idées que nous, nous avons commencé à comprendre qu’il ne s’agissait pas seulement de nous, mais de faire partie d’un mouvement qui utilise les entreprises comme une force pour faire le bien. 

L’obtention de la certification B Corp a contribué à structurer nos engagements, à nous responsabiliser et à nous montrer les points que nous devions améliorer. Aujourd’hui encore, cette certification nous pousse à aller plus loin, à réfléchir à des choses auxquelles nous n’aurions pas pensé autrement et à nous dépasser pour atteindre nos objectifs. Cela va de la gestion de la chaîne d’approvisionnement aux pratiques durables, en passant par la culture interne, les salaires, les engagements sociaux, et bien plus encore. 

Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir BDC comme partenaire de financement, car non seulement vous nous avez fourni d’excellents conseils et services au fil des ans, ainsi que de l’aide pour renforcer nos capacités, mais vous avez vous-même obtenu la certification B Corp, ce qui signifie que nous avons encore plus de valeurs en commun. 

« L’obtention de la certification B Corp a contribué à structurer nos engagements, à nous responsabiliser et à nous montrer les points que nous devions améliorer. »

Laura : Je suis certaine que votre engagement à construire une entreprise basée sur des valeurs et une culture inclusive a joué un rôle primordial dans le succès de Fairware, mais qu’en est-il pendant les périodes difficiles? Comment avez-vous, vous et votre entreprise, vécu les 18 derniers mois d’incertitude engendrée par la pandémie? 

Sarah : En tant que jeune entreprise, nous avons survécu à la récession de 2008-2009, ce qui nous a donné un bonne idée du comportement à adopter pendant la pandémie de COVID-19. Lorsque la pandémie a frappé, nous venions de terminer une année durant laquelle nous avions engagé des dépenses importantes, ainsi qu’une rénovation majeure de nos bureaux. D’ailleurs, notre équipe de Vancouver avait été configurée pour travailler à distance en raison de cette rénovation, puis personne n’est revenu au bureau à cause de la COVID-19. 

Nous avons alors compris que nous avions très peu de marge de manœuvre; Nous savions que nous devions procéder à des mises à pied et que si nous tergiversions, nous pourrions perdre l’entreprise. Ce furent les moments les plus durs et les plus pénibles de notre vie. Nous avons dû licencier la moitié de notre effectif. Vous parlez d’un impact sur la culture. Heureusement, nous sommes restées proches de tout le monde et avons aidé ces gens à accéder à des ressources et à du soutien. Petit à petit, nous avons pu les réembaucher grâce aux subventions du gouvernement. 

Pendant la pandémie, comme vous le savez, de grandes questions sociales ont également surgi, notamment le mouvement Black Lives Matter et, plus récemment, la découverte de tombes non marquées d’enfants autochtones assassinés. Malgré tous ces événements, nous avons continué à parler, à travailler et à apprendre. Notre objectif et nos valeurs sont demeurés les mêmes. Nous nous réunissons quotidiennement en ligne et, petit à petit, les gens commencent à revenir au bureau.

Malgré les défis auxquels sont confrontés le monde des affaires et notre secteur, la COVID-19 a fourni à certaines entreprises une bonne occasion d’utiliser les budgets normalement alloués aux événements ou aux conférences pour montrer de la bienveillance à leurs employés en leur remettant des colis et des paniers, et nous avons pu les aider dans cette démarche. Nous sommes demeurés engagés à n’offrir que des produits et des cadeaux pratiques qui ne finiraient pas à la décharge, et nous avons mis au point un programme qui permet à une personne qui ne souhaite pas recevoir de cadeau de choisir de faire un don en son nom. 

Dans l’ensemble, nous en sommes sorties plus fortes et plus dévoués que jamais à notre mission. Et nous nous réjouissons de voir notre bureau nouvellement rénové, qui était trop calme, rempli de gens à nouveau.

As Vice President, Client Diversity at the Business Development Bank of Canada (BDC), Laura Didyk is leading the bank’s efforts to understand and address the challenges faced by underrepresented and underserved entrepreneurs. You can learn more about Laura, meet her team, and find her interviews with entrepreneurs and more on her Perspectives page.